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Sunday, September 18, 2011

Stonehenge : nouvelle interprétation des vestiges architecturaux




1. Préambule1

1. Je voudrais remercier les lecteurs de cet article pour leur soutien critique, en particulier Françoise Laroche pour les premières discussions d'où sont sorties les hypothèses présentées ici, Nicolas Bresch, Anne Jacquemin, Marie-Christine Hellmann et Amélie Perrier pour leurs nombreuses corrections et utiles suggestions.

Stonehenge (fig. 1), un des plus célèbres sites de mégalithes, apparaît toujours, après les nombreuses études qui lui ont été consacrées, comme un ensemble exceptionnel, difficile à interpréter. Longtemps considéré comme un « temple solaire », ce qui a ouvert la voie à toutes sortes de théories cosmogoniques, les travaux les plus récents soulignent son rôle de lieu d'inhumation, rôle que l'on retrouve dans les structures similaires de la région. De fait, son originalité tient surtout à l'ensemble monumental en pierre constitué de blocs gigantesques - sarsen2- assemblés sous forme de « trilithes » dans la partie centrale, et sous forme d'une colonnade continue formant la couronne d'un cercle de 30 mètres de diamètre environ.


Fig. 1 – Vue générale depuis le Nord-Est (axe et « accès » depuis l'avenue monumentale)

2. Le terme, qui dérive de Saracen/Sarrazin, désigne à l'origine une origine païenne, et ne correspond à aucune dénomination scientifique.

2. Description succincte

2.a. L'ensemble lithique

Pour la description tant graphique qu'écrite de cette phase du monument, on se référera aux résultats des travaux de l'archéologue Richard J.C. Atkinson, qui fut l'artisan de la plus complète et plus sérieuse étude de l'ensemble, entre 1950 et 19643. Pour la partie centrale, le plan le plus précis, reproduit ici (fig. 2) est celui qui a été publié par Anthony Johnson en 2008. La numérotation des artefacts, et en particulier des pierres (Petrie, 1880), permet d'identifier les éléments du dispositif construit du site. De nombreuses études et fouilles complémentaires ont eu lieu depuis les travaux d'Atkinson, qui ont complété, voire quelquefois modifié, les interprétations de ce dernier4.

3. R.J.C. Atkinson, Stonehenge, Hamish Hamilton, 1956. On peut consulter, sur le site de English Heritage, 225 clichés commentés retraçant les recherches, fouilles et travaux de restauration, menés depuis 1901, et notamment ceux menés par Atkinson.

4. Entre autres les travaux récents du professeur Mike Parker Pearson, du Département d'archéologie à l'Université de Sheffield.

 Le monument est lui-même partie intégrante d'un ensemble de sites préhistoriques situés à une dizaine de kilomètres au nord de la ville de Salisbury, dans le comté de Wiltshire. La partie la plus spectaculaire de Stonehenge est constituée de soixante-quinze énormes pierres formant deux groupes distincts. Au centre cinq assemblages comportant chacun trois pierres (trilithes), soit quinze blocs en tout, placés en plan selon une figure pentagonale allongée, orientée vers le nord-est. En périphérie une « colonnade » comportant soixante blocs : trente piliers et trente linteaux constituant un cercle parfait placé à 4,10 m de haut.





Cet état, le plus connu du fait de son aspect exceptionnel, de son interprétation et des problèmes constructifs qu'il pose, correspond, dans la chronologie proposée par Atkinson à la phase
« Stonehenge IIIa », c'est-à-dire 2000-1700. Cependant, selon les sources ou les auteurs, les dates varient assez largement, entre 2600 et 1500 av. J.-C. (Early Bronze Age ou Wessex I). Il s'agit d'une fourchette assez large à l'intérieur de laquelle il est malaisé d'avoir un jalon précis. Récemment Mike Parker Pearson a situé, à partir d'une datation au radiocarbone, la phase des sarsens vers 2600-2100 av. J.-C.5.

5. Parker-Pearson and others, « The age of Stonehenge », Antiquity, 81 (313). pp. 617-639. Je reviendrai plus loin sur la question des différentes datations donnant lieu à cette fourchette.

Je ne ferai ici qu'évoquer les autres pierres plus petites (foreign stones ou bluestones), de provenance plus lointaine6, qui forment deux figures complémentaires : un cercle de cinquante-sept pierres autour des trilithes, et une figure de dix-neuf pierres en forme de fer à cheval au milieu de ces mêmes trilithes. Le cercle extérieur a été réalisé avec des pierres réutilisées7. Ces deux groupes, postérieurs dans leur disposition actuelle aux sarsens, n'interviennent pas dans le raisonnement développé ici. Même si leur présence revêt sûrement une importance dans le dispositif spatial, ils n'interfèrent pas avec les observations qui portent sur les sarsens. Surtout, ne se présentant pas dans leur état d'origine, leur interprétation est plus complexe.

6. Il semblerait que ces pierres proviennent du Pembrokeshire, région du sud-ouest du Pays de Galles.

7. En effet deux blocs au moins sont des linteaux qui ont appartenu dans un premier état à une structure trilithe en bluestone. Atkinson pense avoir retrouvé l'emplacement des pierres dans ce premier état (op. cit. P48-49), antérieur à l'érection des sarsens.

Cet ensemble monumental circulaire en pierre s'inscrit lui-même dans un dispositif plus large (fig. 3) marqué par des mouvements de terrain : un fossé irrégulier (fig. 4) bordé à l'intérieur d'un talus circulaire plus soigné (320 pieds - soit 97,5 mètres8 - de diamètre), une série de cinquante-six trous (Aubrey holes9) dessinant un cercle de 88 m de diamètre, dont la plupart étaient occupés par des sépultures à crémation mais dont la destination d'origine reste incertaine, puis, toujours en périphérie du monument, plus d'une cinquantaine d'autres sépultures dont la position n'a pas été relevée correctement par les premiers fouilleurs10.

8.  I pied = 30,48 cm

9.  Du nom d'un antiquaire du 17e siècle qui avait signalé en premier l'existence de ces trous.

10. R.J.C. Atkinson, Stonehenge, p. 13-14.















Fig. 4 a et b – Vues aériennes
a) prise du nord-est. L'interruption du fossé au premier plan correspond à l'axe de « l'avenue » d'accès.
b) prise du nord-ouest, sous la neige, avec numérotation des blocs.

2.b. La couronne périphérique de pierres

Il s'agit d'un ensemble de trente pierres dressées (que j'appellerai ici « piliers ») placées sur un cercle de 29,70 m (108 pieds) de diamètre intérieur, portant le même nombre de « linteaux »11. Les piliers, espacés d'axe en axe de 3,11 m et hauts de 4,10 m, ont été numérotés, dans le sens horaire, de 1 à 30 en partant de l'axe de « l'avenue » orientée vers le nord-est. Les linteaux sont numérotés de 101 à 130, le numéro 101 reposant sur les piliers 30 et 1. Avec ce système, on comprend aisément que le linteau 127, par exemple, reposait sur les piliers 26 et 27.
 
11.  Les linteaux ayant une largeur régulière de 1m environ, le diamètre extérieur est de 30,70m. Cette dernière dimension ne s'applique pas aux piliers dont la face arrière est irrégulière.

Les piliers – on le remarque immédiatement sur les photos – sont très irréguliers dans leur aspect et leurs dimensions, alors que les linteaux sont bien taillés et réguliers.
Dix-sept piliers se dressent aujourd'hui encore sur leur emplacement d'origine. Seuls six linteaux reposent toujours sur les piliers : 130, 101, 102 forment une séquence continue ; 105, 107 et 122 sont isolés sur leurs supports. Si l'on se fonde sur les pierres en place ou tombées, le cercle semble parfaitement continu et ne présente, ce qui est étrange si l'on accepte l'idée d'un accès monumental par cette voie, aucune variation à la rencontre de l'axe de l'avenue orientée au nord-est. R.J.C Atkinson interprétait le passage légèrement plus large sous le linteau 101 (1 pied de plus que les ouvertures voisines) comme un indice d'une entrée axiale dans le cercle des sarsens. La largeur de ce passage (1,23 m) est cependant inférieure à celles d'autres baies du même cercle : par exemple entre les piliers 5 et 6 (1,32 m) ou entre les piliers 21 et 22 (1,66 m), baies que personne n'a songé à interpréter comme un accès. Ces variations proviennent tout simplement de la grande irrégularité de la taille des piliers.

2.c. Les trilithes centraux

Au centre, sur les cinq trilithes initiaux, trois trilithes latéraux sont en place (hauteur près de 6 mètres), le quatrième, ainsi que le trilithe axial, plus haut (7,3 m), sont en partie détruits. Comme il s'agit de structures indépendantes, les piliers sont dressés à l'aplomb des linteaux et le vide entre les piliers est très restreint.
L'état du monument a varié depuis les premières descriptions car certaines pierres sont tombées12, et certaines ont été redressées lors de travaux effectués depuis 1905, mais je ne m'attarderai pas sur ces variations qui n'interfèrent pas dans le raisonnement développé ici.

12. En particulier le trilithe axial, le plus grand (55+56+156), en 1620. Le pilier 56, plus grande pierre dressée de Grande-Bretagne, a été redressé en 1901. Son voisin 57+58+158, tombé en 1797, a été redressé par Atkinson en 1956.

Malgré les lacunes, la restitution générale du dispositif en pierre paraît claire : au centre une figure oblongue s'ouvrant vers le nord-est, direction qui se retrouve dans une « avenue » monumentale rectiligne longue de plus 500 m. Cette figure oblongue est enclose dans un portique continu circulaire.

3. Remarques sur le travail des pierres

Le présent article vise à proposer une interprétation de ce dispositif spatial qui s'appuie sur des caractéristiques matérielles observées et signalées depuis longtemps, mais qui, à ma connaissance, n'ont pas fait l'objet d'explications de la part des nombreux exégètes du monument.


Fig. 5 a et b - Parements intérieurs bien dressés des piliers de l'anneau, contrairement aux faces externes.

La « colonnade »présente en effet une caractéristique curieuse : les linteaux sont bien taillés sur toutes leurs faces : les parements intérieurs et extérieurs en particulier sont dressés suivant la géométrie de cylindres verticaux correspondant aux rayons intérieur et extérieurs du cercle. Il n'en est pas de même des piliers : nous voyons qu'ils sont bien dressés uniquement sur la face regardant la structure intérieure des trilithes13, et que les autres faces verticales, c'est-à-dire les deux faces latérales et la face arrière, sont très irrégulières, portant quelques traces de ravalement, mais le plus souvent brutes de carrière (fig. 5 et 6). Les piliers ont des largeurs très variables, et il en résulte une absence complète d'homogénéité dans la succession des piliers, ce qui contraste avec la régularité du parement intérieur où les faces verticales des linteaux et des piliers, parfaitement d'aplomb et taillés de façon concave, dessinent un cylindre parfaitement régulier. 
Dans n'importe quel contexte d'architecture en pierre de l'antiquité, il serait résulté de cette observation simple la conclusion suivante : les faces dressées correspondent à des faces destinées à être vues, les faces non dressées correspondent à des faces invisibles.

13. R.J.C. Atkinson, Op. Cit., p. 23 : « In every case the better (i.e. the flatter) of the two broad surfaces has been set facing inwards. »



 
Fig. 6 a et b – Contraste entre le traitement des faces extérieures et intérieures : l’exemple du pilier 27.

Inversement, accepter cette différence de traitement pour un monument visible de loin provoque l'étonnement d'autant que si l'aspect extérieur du monument est chaotique, du fait des faces de piliers non travaillées, il n'en est pas de même de la partie supérieure, la couronne de linteaux, qui était pourtant la partie – a priori – la plus difficilement accessible. Les lignes qui suivent visent à tirer parti de ce constat - qui en soi n'a rien de nouveau mais n'a jamais été expliqué - et voir ce qu'il implique sur la restitution de l'ensemble monumental de Stonehenge.
Les espaces vides entre les piliers sont, comme on l'a dit, très variables, selon la largeur de ces piliers. Ils varient, autour de 1 m, entre 80 et 166 cm. Ces variations sont peu compatibles avec l'idée de passage. Il y a une contradiction flagrante entre la supposée « avenue monumentale » de plusieurs centaines de mètres de long et l'absence de tout dispositif d'entrée, le long de son axe, à l'endroit de son contact avec le cercle de pierres. On ne peut par ailleurs qu'être surpris qu'une construction dont les surfaces internes ont été soigneusement dressées se soit présenté, lors de son approche - qui plus est « monumentalisée » - comme une succession de pierres brutes.
Or il est une technique constructive qui est attestée durant l'antiquité, et déjà dans des monuments mégalithiques d'occident. Elle consiste à structurer les parois au moyen de blocs verticaux reliés par des éléments horizontaux, puis de remplir les interstices par un remplissage en pierres plus ou moins travaillées. Un bel exemple de ce procédé est encore visible dans le dolmen appelé « la Cave-aux-Fées », situé à Brueil-en-Vexin, près de Paris (fig. 7) ainsi que dans l'Allée couverte de Crec'h Quillié (fig. 8) à Saint Quay Perros. Le mur alternant pierres dressées et remplissage constitue, dans cette architecture funéraire de dolmens ou de cromlechs, un mur de soutènement des terres au milieu desquelles l'espace est dessiné en creux14. Ainsi ne subsiste de visible que le parement intérieur des piliers, les faces latérales et arrières étant prises dans le remblai.

14. Dans les deux exemples cités ici, les pierres dressées étaient liées horizontalement par des dalles formant couverture du passage et non des linteaux comme à Stonehenge.




Fig. 7 – « La Cave-aux-Fées », Brueil-en-Vexin



Fig. 8 - Entrée de l'allée couverte de Crec'h Quillié (Côtes d'Armor)

Mon collègue Philippe Fraisse m'a signalé que cette technique consistant à remplir des interstices entre des dalles de gneiss dressées est toujours utilisée en Grèce dans les Cyclades, notamment dans les îles de Tinos ou Paros. Je reproduis ici deux photos prises par lui en 2011 (fig. 9) qui montrent la permanence historique étonnante de cette technique millénaire.


Fig. 9 a et b - Murs de terrasse à Horis Pyrgos, au nord de l'île de Tinos, dans les Cyclades (clichés : Ph. Fraisse).

Le dessin présenté ici (fig. 10b) est arbitraire pour ce qui concerne la taille et la forme des moellons qui assurent le remplissage, ici des pierres plates inspirées par certains des exemples évoqués ici. On peux imaginer que la paroi ainsi restituée devait être recouverte d'un enduit rudimentaire assurant l'homogénéité de l'aspect de cette palissade de pierre. Cet enduit, unissant toute la paroi, masquerait les irrégularités de largeur des piliers et surtout réglerait la question du pilier n°11, dont les dimensions nettement moindres, ont posé beaucoup de problèmes aux commentateurs qui s'étonnaient d'une telle exception dimensionnelle (fig. 11).

Fig. 10 a et b – La structure en pierre de Stonehenge dans son état actuel (à gauche), et complétée (à droite) avec un remplissage de moellons (peut-être couverte d’un enduit).


Fig. 11 – Différences dimensionnelles entre les piliers : cas du pilier n°11, particulièrement mince (il devait probablement être plus vertical à l’origine).

Signalons, en dehors du travail soigné des parements internes, une autre caractéristique qui distingue la construction élaborée de Stonehenge IIIa de l'allure mégalithique des états antérieurs, à savoir la présence d'un système de tenons et mortaises directement taillés avec les blocs, assurant la solidité des assemblages horizontaux et verticaux15. Cette technique semble héritée d'une technologie du bois ; nous la retrouverons à Mycènes ou en Lycie (Turquie), toujours dans le cadre d'une architecture qui met en œuvre des blocs de dimensions considérables. Cette tradition s'est perpétuée jusqu'à l'époque classique (socle du monument des Néréides16).

15. Complété par un autre type d'assemblage inspiré de la construction en bois : les linteaux présentent horizontalement des excroissances et des creux qui permettent de bloquer les pierres les unes dans les autres.

16. P. Demargne, Fouilles de Xanthos I, Les piliers funéraires, fig. 10 ; P. Demargne et P. Coupel, Fouilles de Xanthos, III, Le Monument des Néréides : architecture, Klincksieck, Paris, 1963, p. 34 et n. 6.


4. Nouvelle restitution de Stonehenge

Que donnerait l'ensemble monumental de Stonehenge dans ce cas de figure ?
Nous aurions un grand espace circulaire vide délimité par une paroi formant soutènement d'un tertre de terre conique dont la limite serait indiquée par le talus périmétral d'environ 100 mètres de diamètre encore visible sur le terrain (fig. 12). De ce tertre, seul émergerait l'anneau de pierres constitué par les linteaux, bien dressé en raison de son impact dans le site, ainsi que, dans l'espace central formant une cour circulaire fermée, le sommet des trilithes centraux. Accessoirement la question matérielle de la taille régulière de l'anneau ne se poserait plus puisqu'au lieu d'être perché à plus de 4 mètres de haut, il serait accessible au sommet du tertre.
Stonehenge, dans ce cas rejoindrait la famille bien connue et largement développée dans le monde antique des tertres funéraires ou tumuli, ici avec une partie centrale à ciel ouvert, car j'écarte l'idée, malgré les distances relativement faibles à franchir entre l'anneau périphérique et les trilithes, d'un dispositif de couvrement du cercle central. Non seulement il n'y a aucune trace allant dans ce sens, mais un tel dispositif serait difficile à concevoir à cause de l'absence de trilithe en « façade » du pentagone central et de la hauteur croissante des trilithes. Les pentes du « cratère » seraient la zone d'ensevelissement des morts sous la terre et le cratère une zone sans doute réservée aux rituels, zone structurée par les trilithes de hauteurs légèrement supérieures.


Fig. 12, a et b – Restitution du tumulus de Stonehenge, vues lointaine et plus rapprochée.

Avant de pousser plus loin ma réflexion sur les conséquences de cette hypothèse, je chercherai à envisager les objections qui pourraient se dresser contre cette interprétation.

4.a - La disparition des blocs de remplissage

Cette objection, qui vient immédiatement à l'esprit, consiste à dire qu'on aurait dû retrouver des pierres de remplissage. Pourtant elle trouve une réponse dans de nombreux exemples de vestiges d'architecture de ce type et notamment les dolmens ne présentant aujourd'hui plus que leur structure en pierre. Je donne ici deux cas plus récents, où nous voyons que sont restés en place les éléments structuraux majeurs des édifices, alors que le remplissage a complètement disparu : une huilerie d'époque romaine à Brisgane en Algérie (fig. 13), et deux bâtiments probablement romains eux aussi à Blaundos en Phrygie (fig. 14). L'explication de cette disparition s'applique d'autant mieux à Stonehenge où l'on sait que le déplacement des plus gros blocs requérait des moyens considérables : ces édifices, transformés en véritables carrières, offraient des matériaux de construction en abondance, qui plus est déjà traités lors de leur utilisation première. Sur des siècles, il n'est pas étonnant que, dans une région dépourvues de pierres de construction comme l'est celle de Stonehenge, on ait récupéré tout ce qui pouvait l'être, c’est-à-dire en priorité les pierres transportables. En dehors des blocs de remplissage, cinq piliers originaux de la couronne ont été en partie détruits et cinq autres piliers, du côté sud-ouest, ont totalement disparu, après avoir été concassés puisque leur transport tel quel n'était pas envisageable, ce qui montre bien que le site a été exploité comme carrière de pierre durant son histoire. On a dû, après avoir récupéré dans un premier temps les pierres les plus facilement transportables, s'attaquer aux gros monolithes en les réduisant à l'état de fragments utilisables.


4.b. La disparition du tertre de terre.

 Mon collègue ingénieur Jacques Bourcier a bien voulu calculer le volume de terre correspondant au tertre restitué ici, soit 22.300 m3 valeur très en deçà de celle d'autres tumuli voisins. Le plus gros tertre connu, Silbury, correspond à un volume de terre de 248.000 m3! Il a également calculé qu'une rampe restituée avec une pente de 1% (630 m de long) nécessiterait 33.400 m3 de terre. Aujourd'hui seule est visible sur le site une couronne de terre, très régulière mais très arasée, longée d'un fossé qui est lui très irrégulier aussi bien en plan qu'en profondeur. La disparition des terres, qui contraste avec le maintien d'autres tertres funéraires, peut s'expliquer ici par la présence de centaines de tombes, dont la présence est révélée par les recherches les plus récentes17, voire de milliers si nous rétablissons le tumulus dans son élévation. La recherche des artefacts enfouis dans les inhumations avait largement de quoi motiver le creusement et le déblaiement systématique de l'amas de terre, contrairement aux tumuli connus d'Orient qui se limitaient à une seule chambre funéraire, princière ou royale. Même dans un cas de tombe unique, le tumulus peut disparaître complètement comme celui de la tombe de la princesse de Reinheim récemment reconstitué sur ce site à la frontière franco-allemande (Parc archéologique de Bliesbruck en Moselle/Reinheim en Sarre)18. Le tertre de Silbury, à 30 km de Stonehenge, a traversé les âges parce qu'aucune des recherches effectuées depuis des siècles n'y a révélé de tombes. On remarque par ailleurs une tendance à l'éradication des tertres dans les zones agricoles. 

17. « Pour Parker-Pearson, Stonehenge a pu être un cimetière réservé à une élite locale, qui aurait ensuite prospéré, comme l'indiquerait le nombre croissant de tombes au fil du temps. Son opinion est que, dès le départ, les site est voué au royaume des morts [...] », Archéologia n°460, p.23.

18. « A l'emplacement de l'étang situé à l'Est de la villa existait en 1950 une petite butte de 120 m de diamètre dépassant de 2 m le niveau des champs des alentours. Les fouilles ont montré qu'il s'agissait d'une nécropole de plusieurs tumulus celtiques nivelés dès l'époque romaine » (je souligne). Site de présentation de Bliesbruck-Reinheim,

Pour ce qui est du talus encore visible, l'examen attentif des données de fouilles – pour autant que les rares données le permettent – fournit une explication assez claire. Atkinson s'était étonné de trouver, lors de la fouille, une banquette de craie sous le talus lui-même et avait émis l'hypothèse d'une dissolution partielle de la craie sur l'ensemble du site sauf sous le talus19. Cette particularité est très visible sur la photo de la figure 15 où j'ai tenté de reproduire également la coupe révélée par cette fouille. L'explication d'une érosion naturelle proposée par le fouilleur est incohérente et renvoie à une durée incompatible avec les données archéologiques20. Une autre explication, bien plus simple, est de considérer que cette banquette est intentionnelle et qu'elle a pour objet, non seulement de marquer très précisément les limites du tertre, mais surtout de maintenir des terres de ce dernier dans le cercle dessiné par cette couronne. Cette banquette a-t-elle été obtenue par décapage des zones alentour ou par déplacement du matériau lors du creusement du fossé parallèle (ce qui expliquerait la grande irrégularité de celui-ci) ? Seule une nouvelle observation de cette banquette, effectivement inattendue mais sans doute nécessaire à la bonne tenue des terres, permettrait de répondre.

19. « Atkinson, Op. cit. p. 10 : « Indeed its actual height is even less than it appears, for excavations in 1954 revealed the surprising fact that the surface of the natural chalk is nearly a foot higher beneath the centre of the bank than it is elsewhere ».


20. Dean Talboys, « Stonehenge. The Geological Date of the Site is between 8,000 - 27,000 Years ». Prenant à la lettre l'explication de Atkinson, l'auteur en déduit une date beaucoup plus ancienne pour le site en raison de la vitesse de dissolution naturelle de la craie !


Fig. 15 – Explication du surhaussement du sol crayeux (en blanc sur la photo) sous l'emplacement du talus périphérique, afin de maintenir les terres du tertre. Qu'elle ait été obtenue par décapage du sol voisin ou par apport du matériau creusé lors de la fabrication du fossé, cette banquette avait pour fonction de retenir les terres du tumulus de Stonehenge.













Fig. 16 – Vue générale montrant l'insertion du bâti dans le tertre. À droite, hypothèse des trilithes maçonnés.

4.c. Arguments positifs en faveur de l'hypothèse proposée

Outre l'argument principal concernant le traitement des surfaces et l'aspect régulier que présenteraient ainsi les parties visibles de l'architecture érigée sur le site (fig. 16), on signalera ici plusieurs points pour lesquels l'hypothèse permet de répondre à des interrogations ou de résoudre des contradictions apparentes.
En dehors du traitement de surface, on peut constater également, si l'on regarde une élévation, que la taille très irrégulière des piliers est en contraste complet avec leur implantation qui, elle, dépendait du cercle de linteaux, couronnement visible du complexe. D'après Atkinson, seul le rythme d’implantation des piliers a fait l'objet d'un soin particulier.
On a fait grand cas de l'orientation du complexe et de son prolongement par ladite « avenue monumentale ». Or, on l'a vu, l'articulation entre ces deux entités ne donne lieu à aucun dispositif particulier qui permettrait d'accéder au cercle central. Il est fort probable que cette « avenue monumentale » corresponde plutôt à une rampe d'accès des blocs21, transportés préalablement par voie fluviale. Si cette « avenue », dont l'interruption entre le cercle extérieur et la couronne de pierre est d'ailleurs inexplicable dans le scénario communément admis où tout le dispositif reste au niveau du sol, présente une orientation particulière, c'est en réalité parce qu'elle reprend l'axe du dispositif des trilithes qui, lui, a été orienté sans doute en fonction du lever du soleil. Atkinson a souligné l'impossibilité de fixer exactement, à partir des vestiges, cet axe et, du coup, l'inanité des calculs astronomiques trop précis. A titre d'exemple, je montre, par une comparaison arbitraire (fig. 17), les orientations similaires de Stonehenge et du temple d'Apollon à Delphes ; l'orientation des édifices sacrés en fonction du lever du soleil est un trait fréquent de l'antiquité22.

21. La description du montage des blocs est développée ci-après

22. Pour le monde grec, voir Marie-Christine Hellmann, Architecture grecque, 2. Architecture religieuse et funéraire, Picard, p. 188-189

Quand on regarde un plan général (fig. 18) du parcours entre la rivière Avon et Stonehenge23, on comprend que la première partie du parcours a pour but de rejoindre un point situé sur cet axe, à partir duquel va être construite la rampe très peu inclinée qui permet de déplacer les plus gros blocs jusqu'au sommet du tertre.

23. Des portions de la route qui relie la section rectiligne à la rivière Avon ont été repérées au cours d'une campagne de photographies aériennes en 1921 (Atkinson, op. cit. p. 56).

4.d. Mise en place des blocs

Cette question, qui concerne surtout les plus gros blocs, a donné lieu à de nombreuses hypothèses. Les piliers du cercle extérieur pèsent en moyenne 26 tonnes24, les linteaux seulement 6,75 tonnes mais la difficulté tenait surtout au fait de les hisser au sommet des piliers, voire plus haut puisqu'ils s'emboîtent au moyen de tenon et mortaises. 

24. Avec de fortes variations selon l'épaisseur des blocs.

















Fig. 17 – Orientations (traits mixtes) de Stonehenge et du temple d'Apollon à Delphes (différence 2,5°), comparaison arbitraire de deux monuments antiques montrant le caractère relativement commun de cette orientation vers le soleil levant. Dans le cas de Delphes, l'orientation de l'autel d'Apollon est encore plus proche de celle de Stonehenge (différence 1°).


Fig. 18 – Carte de la région de Stonehenge (d'après Archéologia n°460, p. 24)
A : Stonehenge
B :
Cursus (env. 3.500 av. JC)
C : « avenue » reliant Stonehenge à la rivière Avon.
G et H : ensemble de tumuli proches de Stonehenge

Les blocs des trilithes sont encore plus lourds, presque 50 tonnes pour les montants du trilithe central. Les fouilles donnent une indication importante puisqu'elles ont révélé, au pied des piliers, des trous préparés à recevoir la partie enterrée du bloc, comprenant un côté en pente (45°) recevant les blocs inclinés avant leur redressement. Pour l'anneau périphérique, le côté incliné, tourné vers l'extérieur, montre que les blocs furent dressés en les tirant vers le centre du monument. Pour les trilithes, le côté incliné montre au contraire que les blocs furent redressés en les tirant depuis l'extérieur. Toutes les propositions émises jusqu'à présent postulent que les trilithes centraux furent érigés en premier pour un problème d'accessibilité des blocs une fois l'anneau périphérique achevé.
Concernant l'anneau périphérique, l'hypothèse la plus simple est de considérer que l'accès des blocs se faisait le long de la pente du tertre. Pour pouvoir basculer les piliers, il suffisait de les élever à une hauteur légèrement supérieur au centre de gravité, soit 2,5 mètres environ25. Les techniques mises en œuvre seraient celles du dressage des obélisques26. La pente minimale du tertre nécessaire à cette opération est de 4,3°27. Pour pouvoir placer ensuite les linteaux, il faut remonter le tertre à sa hauteur finale (un peu supérieure à 4,10 m). La pente s'élève cette fois-ci à 11% mais il s'agit cette fois-ci d'acheminer les plus « petits » blocs de l'ensemble des sarsens.


25. Il faut en effet prendre en compte la longueur complète du bloc, incluant la partie enterrée.

26.A titre de comparaison, le plus ancien obélisque connu, érigé sous le règne de Sésostris 1er à Héliopolis (1942 av. JC) est trois fois plus lourd que les plus gros blocs de Stonehenge. Il mesure 20,73 m de haut et pèse 120 tonnes. La technique de mise en place des obélisques a bien été décrite par J-Cl. Golvin (La construction pharaonique du Moyen Empire à l'époque gréco-romaine : Contexte et principes technologiques , Picard, 2004 ) : il s'agissait de faire glisser le bloc depuis la plateforme vers son lieu d'implantation en retirant le sable situé dans la fosse préparée à l'avance.

27. Un texte parodique du scribe Hori qui décrit la construction d'une rampe fait état d'une pente de 7,5 % (« papyrus Anastasi », manuscrit 10 247 du British Museum, cité dans J.-Cl. Goyon et al., La construction pharaonique, p. 208-209).

L'anneau achevé, la rampe axiale que nous restituons en place de la prétendue « avenue » processionnelle permet d'acheminer et, surtout, de mettre en place les trilithes de la façon la plus économique qu'on puisse imaginer. Cette rampe, passant au dessus des linteaux, s'achève dans cette hypothèse par une plate-forme centrale qui permet la mise en place de tous les blocs du groupe des trilithes. Quelque soit la longueur que l'on restitue à l'avenue, la pente obtenue reste très faible28. Non seulement la différence de hauteur des éléments centraux et de la « colonnade périphérique » permet aisément de franchir l'obstacle des linteaux de l'anneau circulaire, mais, de plus, on constate la parfaite logique de placement de la rampe puisque les trilithes sont de plus en plus haut : 6,10 m (linteau compris) pour la première paire, 6,55 m pour la paire suivante et enfin 7,30 m pour le trilithe axial (6,70 m sans le linteau29) au fur et à mesure que l'on avance le long de cet axe (fig. 20).

28. L'avenue se dirige vers le Nord-Est sur une distance de 590 m, puis s'infléchit pour rejoindre la rivière éloignée à vol d'oiseau de 1,8 km. Pour atteindre la hauteur du lit de pose du linteau du trilithe le plus grand (6,20 m), sur le 1er tronçon une rampe de 1% suffit. Pour une distance réduite à 342 mètres (partie visible de l'avenue), on arrive à 2%. La rampe de Chéfren mesurait plus de 1,5 km de long et dans certaines carrières égyptiennes, elles peuvent atteindre 12 km. Ces calculs montrent que le tronçon axial de l'avenue de

29. Le linteau de ce dernier est au sol.

Qui plus est, en construisant d'abord la couronne de pierre, bien calée grâce aux tenons et mortaises verticaux et horizontaux, on se retrouve avec un dispositif périmétral qui permet de beaucoup plus facilement maîtriser la mise en place des blocs centraux, puisqu'on dispose de points d'attache tout autour du chantier, avec possibilité de tendre des câbles de halage sur les diamètres correspondant à chacun des trilithes. Le fait de disposer d'un terrain stable à hauteur du sommet des blocs sur toute la périphérie (fig. 21) facilite énormément les opérations. Il n'est plus besoin d'imaginer, pour le dressement vertical des blocs, un quelconque système de levage comprenant des grues ou des chèvres qui seraient anachroniques à cette époque et même inefficaces.


























Fig. 19 – Première phase des travaux.
               À gauche : les piliers sont acheminés sur la pente (éventuellement aménagée) du tertre existant. La pente nécessaire pour pouvoir faire basculer les blocs dans leur logement est de 5% environ.
Les piliers en place, on colmate les interstices (1 m de moyenne) avec des moellons puis on remblaie derrière la structure circulaire ainsi obtenue.
À droite : pour placer les linteaux, beaucoup plus légers, il faut remblayer jusqu'au sommet des piliers. La pente est alors d'un peu plus de 10%.
Aucun moyen de levage n'est requis; toutes les pierres sont placées par roulement sur rondins, puis basculement, opérations qui peuvent être contrôlées par des cordes pour tirer ou retenir les blocs.

Au début de l'article où il proposait une date haute pour la mise en place de ces pierres, Mike Parker Pearson signalait l'impossibilité a priori d'accepter l'ensemble des dates données par le radiocarbone, dans la mesure où l'érection des trilithes, selon ces datations, aurait été postérieure à celle du cercle de pierre30. Pour cette raison il réfutait la validité des interprétations des fosses d'où furent extraits les artefacts ainsi datés. Mais nous voyons maintenant que ce qui apparaissait comme une impossibilité, à savoir la mise en place des trilithes après l'anneau périphérique, dans le cadre de pierres levées à partir du sol, s'explique au contraire parfaitement dans le scénario d'une rampe axiale unique pour l'ensemble des travaux et d'une mise en place des trilithes, à partir du centre, par descente dans les cavités prévues à cet effet.

30. « The discrepancy between these two sets of dates poses a conundrum. How can the great trilithon, dated to 2440-2100 cal BC, be later than the sarsen circle which encloses it? Was the circle incomplete or even partially dismantled to allow builders to erect this enormous structure within the monument? », Op. Cit. p. 621.

4.e. Les trilithes centraux

Les cinq trilithes centraux se distinguent des piliers du fait que les montants verticaux sont placés entièrement sous les linteaux, c’est-à-dire que l’espace central est très réduit, au minimum acceptable nécessaire pour pouvoir les mettre en place, c'est-à-dire passer des cordes. De ce fait, le vide central, là aussi totalement irrégulier, ne me semble pas pouvoir être interprété comme une « porte » (on n’y passe pas ou difficilement, selon les cas) ni même comme un dispositif visant à créer une ouverture intentionnelle.

Fig. 20 –  Seconde phase de travaux : acheminement et mise en place des trilithes le long de la rampe axiale. À partir d'une plate-forme centrale, les trilithes, dont la hauteur croît suivant la pente, sont descendus au moyens de cordes à leur emplacement prévu. Puis les linteaux sont glissés horizontalement après remblaiement de la poche creusée pour la descente des piliers.

Néanmoins seule une observation attentive sur place permettrait de conclure, là aussi, à l’existence d’un remplissage qui transformerait ces trilithes en panneaux rectangulaires de ca 5 m par 6 à 7 m de haut. J'ai postulé ce remplissage sur la figure 16, constatant qu'on obtenait ainsi de grands panneaux bien dressés, surfaces aptes, pourquoi pas, à recevoir des décors. Il y a des images de haches31 et quelques autres décors géométriques gravés au dos de certains trilithes, mais du fait de leur taille réduite et surtout de leur position aléatoire, ils n'appartiennent sans doute pas à un décor intentionnel monumental.

31. La ressemblance de ces haches avec des représentations mycéniennes avait fourni un des arguments utilisés par Atkinson pour établir un lien entre les constructeurs de Stonehenge et le monde égéen de l'âge du bronze.

La disposition en plan des cinq trilithes rappelle, par sa forme en « fer à cheval » ovoïde, celle des plus anciennes structures religieuses de la Grèce32. On pourrait être tenté d’imaginer un couvrement de l’espace ainsi produit, mais j'ai déjà signalé que cette hypothèse n’est étayée par aucune observation sur les vestiges eux-mêmes, qui probablement se dressaient à ciel ouvert.

32. Marie-Christine Hellmann, Architecture grecque, 2. Architecture religieuse et funéraire, Picard, p. 35-42


Fig. 21 – Principe de l'acheminement des trilithes par la rampe placée dans l'axe du monument, après mise en place du cercle de pierre. Le système de descente du bloc, inspiré des obélisques égyptiens, n'est pas représenté ici. Pour mettre les linteaux en place il suffisait de remblayer entre la plateforme et les trilithes.
Il n’est pas sûr que la couronne intermédiaire des
bluestones, représentée ici, aient existé à cet endroit, durant cette phase.

5. Conséquences sur l'interprétation fonctionnelle.

L'hypothèse présentée ici va dans le sens d'une fonction funéraire de l'ensemble monumental qui peut être qualifié de tumulus à cour centrale. D'autre part, les piliers étant pris dans un mur et les trilithes se retrouvant dans un espace fermé, toute interprétation géométrique liée à des alignements solaires, mise à part l'orientation générale en fonction du solstice d'été (ou d'hiver), devient caduque. Rappelons que les recherches récentes entreprises sur le site33 vont presque toutes dans ce sens et soulignent que Stonehenge fut essentiellement un lieu d'inhumation depuis le 3e millénaire, complété d'un dispositif dévolu à un rituel consacré aux morts sans doute dû à l'importance des personnes ensevelies ici. Le changement principal est que ce dispositif est en creux au sein d'une installation qui n'a rien d'originale en soi.
 
33. Mike Parker Pearson, dans le cadre du Stonehenge Riverside Project , (http://www.english-heritage.org.uk/daysout/properties/stonehenge/)

Remarquons que l'hypothèse présentée ici entraîne l'absence d'un accès de plain-pied. Il faudrait, pour accéder à la cour centrale, un dispositif secondaire ou mis en œuvre seulement en cas de nécessité, ce qui convient bien à un lieu funéraire non fermé, ouvert aux quatre vents.
Il a déjà été remarqué que la date de construction de cet ensemble était très postérieure à la datation des monuments néolithiques d'Europe occidentale. En effet, la géométrie régulière que présentait le monument avec sa couronne de pierre34, et l'assemblage de pierres verticales et horizontales, n'appartiennent pas à l'époque des menhirs, qui relève d'une architecture beaucoup plus fruste où la géométrie n'est pas contrôlée35. Nous sommes orientés là vers un environnement beaucoup plus proche, d'un point de vue technique, de celui des constructions de la Méditerranée orientale et en particulier l'Égypte36 et la Grèce mycénienne. Selon la date retenue pour la phase d'érection des sarsens de Stonehenge, la référence à l'Égypte ou au monde mycénien sera plus appropriée. Nous trouvons dans le monde mycénien des constructions qui, quoique architecturalement beaucoup plus développées (tholoi du type du trésor dit d'Atrée à Mycènes ou celle d'Orchomène de Béotie) présentent la même disposition en plan : un espace central circulaire voué aux rituels et des sépultures placées latéralement sous un tertre de terre. On pourrait évoquer aussi le « cercle des tombes » situé à l'entrée de la cité de Mycènes. L'hypothèse du recours à des constructeurs mycéniens avait été défendue par Atkinson37, puis reprise par Jean-Pierre Adam38. Cette question est toutefois liée à des problèmes de chronologie qui dépassent le cadre de cette étude. Si nous acceptons les dates proposées par Parker Pearson (avant et après 2400), nous nous tournerons plus volontiers vers l'hypothèse d'une influence, voire d'un transfert de technologie, depuis l'Égypte où à la même époque on érige les pyramides de Gizeh et leur environnement architectural comprenant notamment les temples funéraires. Le recours à une rampe axiale ne serait pas étonnant dans le cas d'une influence égyptienne.

34. R.J.C. Atkinson (Op. Cit. p. 26) insiste sur l'extraordinaire précision de la mise en œuvre de l'anneau des linteaux.

35. It is the only one in which the stones are squared, dressed, and provided with lintels or imposts, Frank Stevens, Stonehenge Today and Yesterday, Heywood Sumner, 1916. Stevens parle ici des nombreuses structures funéraires circulaires de Grande-Bretagne.

36. Signalons que la construction du temple de la vallée (ou temple de granit) du complexe de Chéphren, à Giza, présente des analogies frappantes, en particulier la même hauteur des piliers : 4,10 m !.

37. R.J.C. Atkinson, Stonehenge, p. 163-164.

38. L'archéologie devant l'imposture, Robert Laffont, p. 140-141.

Stonehenge se présente de toutes façons comme s'inscrivant dans une tradition qui commence à l'époque néolithique (notamment les dizaines de tumuli voisins de Stonehenge) et se poursuit au cours des 2nd et 1er millénaires av. J.-C. en Orient (tombes lydiennes ou tumuli macédoniens).
De nombreux points sont à réexaminer à la lumière de cette nouvelle interprétation. On sait qu'un premier cercle de pierre (bluestones ou foreign stones), érigé avant l'ensemble monumental évoqué ici, fut déplacé puis peut-être reconstruit sous la forme du cercle visible aujourd'hui dans l'espace entre le dispositif central et le mur périphérique. Plus petit que l'ensemble étudié ici, il pourrait s'agir d'un dispositif de délimitation d'une aire sacrée, permettant de circuler autour de cette zone.

5.a. Autres pierres dressées

Je n'ai pas fait mention ici de plusieurs blocs isolés, dont certains ont eu leur heure de gloire avant que les études les plus récentes ne montrent l'inexactitude des exégèses cosmogoniques : il s'agit de la (Friar's) Heel Stone qui se trouve dans l'allée d'accès, entourée de son propre talus. Ce mégalithe existait avant la rampe et a pu réapparaître après enlèvement de cette dernière. Atkinson avait déjà réglé son sort au prétendu alignement de ce bloc sur le lever du soleil au solstice d'été39. Je pense aussi que les deux « stations » situées en périphérie du tumulus sont antérieures au programme de travaux dont il a été question ici. Tous ces blocs qui, contrairement aux nôtres qui sont tous des éléments d'un assemblage élaboré, sont au contraire des blocs isolés totalement bruts et relèvent de l'ère du mégalithisme. Quant à la prétendue pierre de sacrifice ( Slaughter Stone ), il s'agit là aussi d'un menhir dressé en alignement avec la Heel Stone, marquant l'axe d'orientation du complexe de Stonehenge avant sa « pétrification ».

39. R.J.C. Atkinson, Stonehenge, p. 15.
À deux pierres placées aux extrémités d'un diamètre semblent correspondre deux autres pierres disparues mais dont il reste le trou de fondation. Ces quatre blocs non travaillés, et dont la date n'est pas assurée, dessinent un rectangle perpendiculaire à l'axe du monument, dont les sommets sont à proximité des limites du tertre40. Selon toute probabilité, ils marquaient une orientation géographique voire un bornage de l'espace consacré au culte des morts.
La pierre dite « pierre d'autel », en partie enterrée sous le pilier tombé 59 et par conséquent inaccessible, est peut-être une clé dans la compréhension du rituel qui prenait place au centre du dispositif de Stonehenge : exposition des corps, crémation … mais pour l'instant, toute interprétation reste conjecturelle.

40. Ce sont les quatre gros points noirs visibles sur la figure 2.
  
5.b. Les trous Y et Z.

Découverte en 1923-24, cette double couronne de trous pose problème du fait de sa présence à l'extérieur de l'anneau de pierre, c'est-à-dire dans une zone que j'imagine couverte par le tumulus. Mais on rappellera que d'une part ces trous n'ont jamais été utilisés et surtout que l'un des trous manque, à l'emplacement d'un pilier tombé41. Ils pourraient donc être antérieurs (projet abandonné) ou, à l'inverse, très postérieurs au monument, contemporains d'un état de destruction entamée de l'ensemble funéraire. Atkinson pense que cette destruction, volontaire, peut dater de l'occupation romaine comme du moyen-âge. Le fait que les trous soient vierges de tout remplissage et qu'ils n'aient jamais servi pourrait plaider en faveur de projets plus vastes, amorcés puis abandonnés, avec le même nombre de piliers, plus espacés. Ces projets auraient été abandonnés en raison justement d'un espacement trop grand, difficile à combler. Dans cette hypothèse en effet, le projet correspondant aux trous Z aurait eu 38 m de diamètre (entraxe de 3,95 m entre les piliers au lieu de 3,10 m), le projet correspondant aux trous Y un diamètre de 53 m (entraxe de 5,50 m). Mais le trou manquant en face du pilier tombé n°8, signalé plus haut, me fait plutôt pencher pour un aménagement postérieur à la ruine

41. De plus, la figure circulaire est très approximative, sans rapport avec la précision du cercle des sarsens.

6. Conclusion

Il peut y avoir également des conséquences sur l'interprétation des vestiges antérieurs aux vestiges lithiques, c'est-à-dire les trous de poteaux qui indiquent un premier état du site, structuré par des constructions circulaires en bois. Peut-être les trous peuvent-ils s'interpréter comme recevant des poteaux pour des palissades également continues, suivant une technique de pan de bois, mais cette question sort du sujet traité ici42.
 
42. Signalons la découverte, en 2010, d'un dispositif comparable, à 900 m à l'ouest de Stonehenge, appelé Woodhenge du fait de l'absence de vestiges en pierre.

Signalons la découverte, en 2010, d'un dispositif comparable, à 900 m à l'ouest de Stonehenge, appelé Woodhenge du fait de l'absence de vestiges en pierre.
La présente étude vise à reconsidérer les vestiges architecturaux de Stonehenge en fonction de leurs caractéristiques techniques, indépendamment de toute idée préconçue. Quoique l'aspect du monument restitué dans sa phase de l'âge du bronze puisse, à la suite de cette étude, se présenter très différemment de la façon dont on avait l'habitude de se l'imaginer, les conclusions que l'on peut en tirer viennent paradoxalement confirmer de nombreuses intuitions des archéologues qui, à l'instar d'Atkinson, ont tenté depuis des décennies d'extirper Stonehenge de son aura mystérieuse et ésotérique en insistant sur sa fonction funéraire. On se trouve, si l'on accepte les propositions présentées ici, face à un bâtiment typologiquement plus simple et surtout d'une grande logique architecturale, en raison de l'adaptation de sa forme aux contraintes d’érection des énormes pierres qui ont fait sa réputation.

7. Annexe : le mémorial de Huisnes-sur-mer, un Stonehenge moderne ?

Mon collègue et ami Nicolas Bresch, à qui j'avais exposé mes idées sur Stonehenge, m'a immédiatement signalé l'existence, à quelques encablures du Mont Saint-Michel, d'un mémorial qui présente, de façon très spectaculaire, des dispositions architecturales semblables à celles que je propose pour Stonehenge (fig. 23).
Construit en 1961 par un architecte allemand de renom, Johannes Krahn, à l'emplacement de la célèbre « trouée d'Avranches » qui scella la réussite du débarquement allié du 6 juin 1944, le mémorial du Mont-d'Huisnes rassemble les restes de 11.956 soldats allemands morts lors des combats dans l'ouest de la France. On y retrouve l'idée d'un tumulus artificiel présentant une grande cour à ciel ouvert entourée des sépultures des soldats déposées dans des cryptes logées, sur deux niveaux, dans une structure qui n'est pas sans rappeler celle du site anglais. Le « parti architectural » est en tout point le même, mais il ne m'a pas été possible de trouver des informations sur les références éventuelles de ce projet. Seule différence notable, la « large avenue » dont nous ne faisons pas à Stonehenge un dispositif d'accès, existe bien à Huisnes sous la forme d'une rampe d'accès des visiteurs. Dans ce cas, il n'était d'ailleurs nul besoin d'acheminer de gros blocs de pierres. Au centre est érigée une grande croix autour de laquelle se déroulent, notamment le 12 novembre (Volkstrauertag), les cérémonies du souvenir du Volksbund à l'origine de ce monument.


























Fig. 22 - Le mémorial de Huisnes-sur-Mer, Normandie :
- plans du rez-de-chaussée et de l'étage
              - vue aérienne Google montrant le tumulus artificiel
              - vue de l’espace central

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Liste des illustrations


Fig. 1- Vue générale depuis le Nord-Est (axe et « accès » depuis l'avenue monumentale).
Fig. 2 - Plan restitué et simplifié de l'ensemble des vestiges.
Fig. 3 - Plan restitué et simplifié de la partie centrale.
Fig. 4 - Vues aériennes  : a. du nord-est, b. du nord-ouest avec numérotation des blocs.
Fig. 5 - Parements intérieurs bien dressés des sarsen de l'anneau extérieur.
Fig. 6 - Contraste entre le traitement des faces extérieures et intérieures : l’exemple du pilier 27.
Fig. 7 - « La Cave-aux-Fées », Brueil-en-Vexin.
Fig. 8 - Entrée de l'allée couverte de Crec'h Quillié (Côtes d'Armor).
Fig. 9 - La structure en pierre de Stonehenge dans son état actuel (à gauche) et complétée (à droite) avec un remplissage de moellons (probablement couverte d’un enduit).
Fig. 10 - Murs de terrasse à Tinos (Cyclades).
Fig. 11 - Différences dimensionnelles entre les piliers : cas du pilier n°11, particulièrement mince.
Fig. 12 - Restitution du tumulus de Stonehenge, vues lointaine (a) et rapprochée (b).
Fig. 13 - Huilerie à Brisgane (Algérie).
Fig. 14 - Bâtiment sur le site de Blaundos.
Fig. 15 - Explication du surhaussement du sol crayeux.
Fig. 16 - Vue générale montrant l'insertion du bâti dans le tertre.
Fig. 17 - Orientations comparées de Stonehenge et du temple de Delphes.
Fig. 18 - Carte de la région de Stonehenge.
Fig. 19 - Première phase des travaux, perspective montrant la mise en place de l'anneau..
Fig. 20 - Seconde phase de travaux : acheminement et mise en place des trilithes.
Fig. 21 - Principe de l'acheminement des trilithes par la rampe placée dans l'axe du monument, après mise en place du cercle de pierre.
Fig. 22 - Le mémorial de Huisnes-sur-Mer, Normandie.


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